Transformation numérique : enjeu de souveraineté ou tremplin pour l'Europe ? / 23 juillet 2014

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Intervenants :
Pierre Bellanger, fondateur et président de Skyrock.Entrepreneur et expert
  d'Internet, il est à l'origine de skyrock.com, premier réseau social français.
Frédéric Martel, écrivain, chercheur, et journaliste.
Modérateur :
Philippe Lemoine, président du Forum d’Action Modernités
 
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Pierre Bellanger et Frédéric Martel partagent un certain nombre d’idées sur le numérique et ne s’arrêtent pas à une vision naïve : à l’ère de l’empathie, ils cherchent chacun à leur façon où peuvent se situer les conflits ; au monde virtuel, ils opposent l’idée de reterritorialisation ; au concept de création de valeur, eux préfèrent réfléchir à la captation de valeur … La souveraineté numérique ou l’indépendance numérique est aussi pour eux un enjeu majeur, qu’ils expriment chacun avec leur sensibilité dans ce débat.
Dans son livre La souveraineté numérique[1], Pierre Bellanger part du postulat qu’Internet n’est pas venu s’ajouter au monde que l’on connaissait, mais qu’il vient le remplacer. Nous ne sommes pas face à des technologies isolées mais face à une imbrication de réseaux et de logiciels où celui qui détient le cœur, le système d’exploitation, est le véritable maître du jeu. Dans cette logique de substitution ou remplacement, de concentration et de transfert de valeurs, se pose la question de la souveraineté numérique. Du maintien ou renforcement de notre souveraineté dépend notre liberté sur les réseaux, et notamment la maitrise des données. Avec les mobiles, nous ne sommes plus à l’âge libertaire d’Internet ; nous devons nous battre pour reconquérir les idéaux qui nous mobilisaient derrière le numérique.
Frédéric Martel ne partage pas ce sentiment de perte de souveraineté. La vaste enquête (50 pays, 2 000 interviews) qu’il a menée pour son livre Smart[2], démontre que nous avons le pouvoir d’agir sur les contenus, et qu’Internet nous offre la capacité de transformer nos vies. Nous sommes juste démunis et mal outillés pour un projet de reconquête de souveraineté. C’est dans l’Europe que réside l’espoir pour régler des problèmes majeurs tels que les libertés, la perte de valeur, la fiscalité  liés notamment au GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazone). Dans tous les cas, la voie n’est pas de chercher à réguler Internet lui-même mais de réguler ces fameux géants. Et pour cela l’Europe devra s’allier aux américains qui se battent pour la libre concurrence et la liberté d’expression.
 



[1]
Pierre BellangerLa souveraineté numérique, Stock, janvier 2014.
[2]Frédéric Martel, Smart – Enquête sur les Internets, Stock, avril 2014